Première femme commissaire de police (Polizeirätin) de Prusse en 1926, Martha Mosse est responsable de la censure, alors qu'elle est elle-même lesbienne. En raison de son origine juive, Martha Mosse est renvoyée fin 1933. Elle travaille alors pour l'association des juifs du Reich en Allemagne jusqu'à sa déportation en juin 1943 dans le ghetto de Theresienstadt, un camp de concentration dans le protectorat de Bohême et de Moravie (aujourd'hui Terezín en République tchèque). Elle y bénéficie d'un statut privilégié.
Lesbiennes Dans Le Ghetto
En août 1922, Carl Severing la nomme à la Préfecture de police de Berlin. Martha Mosse y travaille d'abord dans le département du théâtre comme responsable de la surveillance du respect des dispositions relatives à la protection des enfants lors des représentations théâtrales, des tournages de films et autres représentations publiques. En raison de ses bons résultats, elle est promue conseillère de police en 1926. Martha Mosse est ainsi la première femme officier de police de haut rang (conseillère de police) en Prusse. Cette promotion s'accompagne d'une augmentation de ses responsabilités. Elle est désormais chargée de la surveillance des agences de placement dans le théâtre, le cinéma et les cirques, ainsi que du respect des heures de repos du dimanche et des jours fériés[2]. Martha Mosse est également chargée de la surveillance du respect de la loi sur la lutte contre la honte et la saleté (Gesetzes zur Schund- und Schmutzbekämpfung) et de la lutte contre les étalages choquants (Bekämpfung anstößiger Auslagen).
Après la Libération, Martha Mosse reprend un emploi à Berlin, qu'elle perd à nouveau en raison d'accusations concernant son ancienne activité au service d'aide au logement de la JGB. Alice Hirschberg l'accuse de collaboration et de crimes contre l'humanité[11]. Martha Mosse, déjà disculpée par les autorités alliées et classée comme victime du fascime (de), se présente à un procès d'honneur de la communauté juive. Elle n'y est pas reconnue coupable de collaboration, mais n'est pas non plus clairement disculpée. Comme elle ne peut pas émigrer aux États-Unis avec sa compagne, qui n'a pas obtenu de visa, le couple décide de continuer de vivre à Berlin[12]. Martha Mosse conseille les autorités de la Zone d'occupation américaine en Allemagne pour tout ce qui concerne les Procès de Nuremberg et travaille dans ce cadre comme traductrice. Elle fait une déposition en février 1948 en tant que témoin de l'accusation contre Gottlob Berger dans le procès de la Wilhelmstrasse[8],[13].
Martha Mosse travaille d'août 1948 jusqu'à sa retraite en 1953 à la Kriminalpolizei de Berlin et au service de la circulation à la préfecture de police. Ensuite, elle s'engage jusque dans les années 1970 auprès de la Frauenbund (union des femmes) de Berlin, dont elle devient la vice-présidente et se consacre au comité d'aide aux personnes âgées du mouvement féministe[14]. Ses Souvenirs, annexe : Die jüdische Gemeinde zu Berlin 1934-1943, paraissent en juillet 1958[15]. Elle meurt le 2 septembre 1977 à Berlin.
Encore passible de censure dans certains pays, la représentation de l'homosexualité est néanmoins de plus en plus fréquente au cinéma. Pour autant, cette représentation reste majoritairement cantonnée à un genre qu'on appelle sommairement LGBT, queer ou gay et lesbien.
A l'occasion de la sortie du lumineux film d'Ira Sachs, Keep the lights on, qui suit de près le somptueux Laurence Anyways de Xavier Dolan, posons la question : le cinéma queer peut-il enfin sortir de son ghetto?
Il suffit de trainer dans les rayons de votre boutique de DVDs préférée pour vous rendre à l'évidence : les films sont là, classés à part. Comédie, horreur, drame, science-fiction... Et puis, le rayon "cinéma gay et lesbien". Les films qui s'intéressent aux homos sont-ils si singuliers qu'ils méritent leur propre rayon (quand il n'est pas mélangé avec les films érotiques) ? Une romance mettant en scène des gays ou des lesbiennes, n'est-elle pas avant tout une romance ? Tel est le cas du Droit du plus fort de Fassbinder. Le film met en scène deux homosexuels, mais qu'importe, le réalisateur dépeint avant tout une histoire d'amour sur fond de mélodrame.
Pourtant dans la catégorie "gay et lesbien", quand les titres des films ne semblent pas suspects (genre, Le Voyeur des vestiaires), les films semblent être inconnus pour la plupart. Le cinéma tente depuis maintenant quelques années de faire accepter l'homosexualité pour ce qu'elle est, c'est à dire un ensemble hétéroclite d'histoires de cul et d'amour comme les autres. Et pourtant, rares sont encore les réalisateurs qui abordent le sujet tout en arrivant à toucher un public large.
La réponse semble évidente. Oui, il existe un genre et donc une forme de ghetto du cinéma gay et lesbien. Si nombre de cinéastes réfutent pourtant cette catégorisation, les genres au cinéma permettent notamment aux distributeurs de se situer clairement dans une niche, et donc de cibler leur public. Le genre dirige et éclaire le spectateur dans son choix. Elle s'adresse donc avant tout à un public communautaire, qui comprend les codes du genre.
Cependant, les rayons de la Fnac sont parfois trompeurs et regroupent des films qui n'ont parfois rien à voir. Ce qu'on appelle aujourd'hui le "cinéma gay et lesbien" peut correspondre aussi bien à des films d'auteur prestigieux récompensés en festival qu'à des romances télévisuelles sorties directement en DVD, sans parler de la veine érotique et pornographique. On met ainsi tout le monde dans le même panier, et cela n'est pas sans conséquence.
Cette classification a tendance à brider toute créativité artistique pour se conformer aux normes commerciales. Elle oblige aussi à regarder ces films sous un angle forcément réducteur. C'est ainsi que bon nombre de films sont relégués dans la case "cinéma queer" sans vraiment s'en réclamer. Il suffit parfois d'une simple situation, ou même d'une scène, pour catégoriser le film. Une recherche sur internet de films à thématique queer permet de s'en rendre compte. Aussi surprenant que cela puisse paraître, Persona d'Ingmar Bergman se retrouve souvent relégué dans cette catégorie. Hormis une scène ambiguë, le film n'aborde en aucun cas le thème de l'homosexualité.
Ainsi My Own private Idaho, film culte s'il en est, se retrouve dans cette section. Le film de Gus Van Sant transcende pourtant largement les questions de l'homosexualité et de l'identité sexuelle ; c'est une identité tout court que le personnage de Mike (River Phoenix) recherche en essayant de retrouver sa mère, ne se sentant à sa place nulle part. Le film s'apparente autant à un road movie ou à un drame qu'au cinéma gay...
Ces dernières années, et cela depuis 1980, les festivals de cinéma gay et lesbien ont fleuri dans le monde entier. Il existe aujourd'hui pas moins de 120 festivals LGBT (Lesbiennes, Gays, Bis et Trans), dont 17 en France. Les prestigieux festivals de Cannes, Venise et Berlin ont également leur "prix gay".
Ainsi, la croisette a vu débarquer sur son tapis rouge la Queer Palm, créée par le journaliste Franck Finance-Madureira. Ce prix a pour but de récompenser un film présenté dans les différentes sélections du festival et traitant d'un thème "altersexuel". L'idée est de mettre en avant ces films pour rappeler la nécessité de l'égalité des droits. Franck Finance-Madureira déclare ainsi : je pense que c'est vraiment intéressant d'avoir des films un peu 'repères' qui permettent de se dire qu'on n'est pas seuls, que si ce qu'on vit n'est pas la norme, cela peut être une façon d'être normal .
Même si la démarche est louable, on ne peut s'empêcher de penser qu'elle a quelque chose de grégaire. Car indépendamment de la façon dont l'homosexualité est traitée, elle se voit investir d'une valeur spéciale par ces prix. Alors qu'évidemment, le fait que les personnages soient homos ou hétéros n'intervient pas dans le jugement de valeur qu'on peut porter sur un film. Et c'est en créant ces sortes de ghettos que l'homosexualité n'est pas célébrée, mais bel et bien enfermée.
Quel besoin avait-on de mettre en avant des films pour leur représentation de communautés spécifiques, quand ils figurent déjà dans les autres sélections ? Ce prix ne fait finalement que labelliser ces films en leur collant une étiquette.
Keep the Lights on d'Ira Sachs est porteur de cet espoir, de cette nouvelle façon de traiter de l'homosexualité au cinéma. Longtemps filmée comme un fait social, en référence à une norme hétérocentrée, l'homosexualité dépeinte dans le film d'Ira Sachs dépasse de loin toutes ces considérations. L'histoire d'amour entre Erik (Thure Lindhardt) et Paul (Zachary Booth) prend une dimension universelle, transposable à n'importe quel couple. Il faut dire que le réalisateur s'intéresse plus à leurs sentiments et à leur dépendance à la drogue qu'à leur sexualité.
Les Amours imaginaires de Xavier Dolan avait aussi amorcé cette tendance. Le film raconte l'histoire de deux amis, un garçon et une fille, qui tombent simplement amoureux de la même personne. Francis (Xavier Dolan) et Marie (Monia Chokri) se retrouvent dans la même situation : celle, où l'on se plait à s'imaginer dans les bras de l'être aimé, à construire les scénarios d'un amour fantasmatique. L'une est hétérosexuelle, l'autre homosexuel, et pourtant, la souffrance de l'amour à sens unique reste la même. Le spectateur peut alors s'identifier au personnage quelle que soit sa sexualité.
Sortir du ghetto, abandonner le confort esthétique et économique d'un cinéma s'adressant exclusivement à une communauté naturellement réceptive (qu'on pourrait presque apparenter au cinéma d'exploitation des années 70), c'est un pari qui ne peut être relevé que par des cinéastes extrêmement talentueux. Sachs et Dolan en font parti. 2ff7e9595c
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